Ils conseillent les travailleurs de la terre soucieux de mieux respecter leur sol et leur environnement… Ils sont toujours par monts et par vaux, mais entre deux avions, j’ai pu à nouveau interroger Claude et Lydia Bourguignon, ces deux médecins des sols.
Les arbres / les haies
Diane, votre sorcière bien-aimée : Lors de notre précédente interview de Lydia et Claude Bourguignon, nous avions abordé l’importance de l’arbre au jardin et le fait que de plus en plus de jardiniers éliminent purement et simplement les arbres de leurs parcelles pour gagner en luminosité et espace de culture ; la solution ne se trouverait-elle pas dans la réalisation de trognes ou arbres « tétards » qui permettent de bénéficier du puissant système racinaire des grands arbres sans avoir les inconvénients de leurs charpentes imposantes ?
Claude et Lydia Bourguignon : On peut choisir des espèces à feuillages peu dense (pêcher, abricotier). On peut effectivement avoir des arbres têtards mais le plus simple et de planter des haies que l’on taille à la hauteur voulue et qui sont une bonne source de BRF.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Avez-vous une explication au phénomène de l’arbre qui se penche fortement et se «contorsionne» au lieu de pousser droit, comme si l’emplacement de plantation ne lui convenait pas ?
Claude et Lydia Bourguignon : Cela peut être due à une recherche de lumière, à une surcharge de fruits plusieurs années de suite ou bien un mauvais enracinement.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Est-il vrai que la structure racinaire d’un arbre naturel (poussant en forêt et jamais transplanté) est la réplique symétrique exacte de sa partie aérienne visible, jusqu’à avoir des structures racinaires similaires aux veinages des feuilles qui naissent et meurent avec elles ?
Claude et Lydia Bourguignon : Ce n’est pas une réplique symétrique. Les racines ont une forme analogique avec les parties aériennes.
Le jardin-forêt
Diane, votre sorcière bien-aimée : Le jardin idéal est-il le jardin-forêt aussi nommé « forêt comestible » ? Et quels sont vos conseils pour installer et gérer correctement un jardin-forêt durant les premières années ?
Claude et Lydia Bourguignon : Oui, en effet, le jardin-forêt est un jardin idéal. Il suffit de bien mulcher le sol des allées et le sol du jardin afin de le protéger du soleil.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Dans une forêt ou bien un jardin-forêt, le réseau mycorhizien semble connecter tous les végétaux entre eux et celui-ci pourrai leur permettre de communiquer entre-eux, ainsi si un végétal est attaqué par un prédateur il pourrai communiquer l’information à ces proches congénères et ainsi augmenter la production de feuilles et modifier la sève des plantes d’une parcelle entière pour la rendre moins appétante ; avez-vous des informations à ce sujet ?
Claude et Lydia Bourguignon : Dans le cas des acacias africain, c’est par l’émission de substances volatiles que les arbres se préviennent de l’arrivée d’antilopes ou de girafes et secrètent des composés toxiques.
Un sol vivant
Diane, votre sorcière bien-aimée : Le travail à la grelinette semble néfaste au mycelium de champignons en brisant le réseau mycorhizien ; celui se reconstitue-t-il rapidement ?
Claude et Lydia Bourguignon : Oui si le sol est couvert de mulch.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Comment le jardinier amateur peut-il reconnaître un bon sol vivant et actif ?
Claude et Lydia Bourguignon : Un sol vivant sent bon l’humus forestier et il doit être riche en faune.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Le bambou, de part sa vitesse de pousse et de propagation, représente une des solutions d’avenir pour stopper la déforestation massive ; mais qu’en est-il de son impact sur la vie du sol ?
Claude et Lydia Bourguignon : Le bambou est très riche en silice et se décompose très lentement. Ce n’est pas sous les bambouseraies que l’on trouve les humus les plus fertiles.
Compost et fumier
Diane, votre sorcière bien-aimée : Quelle est la différence entre le compost et le fumier ?
Claude et Lydia Bourguignon : Le compost est un fumier qui a fermenté en tas, en aérobiose et qui a été pasteurisé par la température. Il est riche en humus, en faune et en microbes. Un fumier est un mélange d’excréments animaux ou humain avec de la paille, des feuilles mortes etc…Son taux d’humus dépendra de sa gestion.
Et les vers !
Diane, votre sorcière bien-aimée : Quelles sont les différences entre les vers de terre et les vers du fumier ?
Claude et Lydia Bourguignon : Les vers de terre vivent dans le sol, ils sont de 3 types : épigés, endogés et anéciques. Le ver rouge de fumier (Eisenia foetida) ne vit que dans les excréments, les fumiers ou les composts.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Comment les premiers vers du fumier arrivent-ils pour coloniser un nouveau tas de fumier ?
Claude et Lydia Bourguignon : Soit par le sol soit par leurs œufs collés aux pattes des merles ou des poules.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Est-il vrai que la présence de vers de terre de couleur blanche est un indicateur de sols pollués ?
Claude et Lydia Bourguignon : Non il existe des espèces de vers de terre qui sont blanches. Mais c’est vrai qu’un ver de terre dans un sol traité au herbicides et pesticides prend souvent une couleur plus claire.
Foin ou paille ?
Diane, votre sorcière bien-aimée : La culture sous épaisse couche de foin et sans aucun travail du sol, qui semble avoir trouvé son appellation de « phénoculture » d’après les travaux de Didier HELMSTETTER, vous semble-t-elle une très bonne condition de culture des végétaux ou bien comporte-t-elle des lacunes pour une bonne vie du sol et un développement harmonieux des plantes ?
Claude et Lydia Bourguignon : Le foin a le défaut d’être riche en graines mais par contre c’est un bon mulch.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Concernant la vie du sol et le développement des plantes, quelle est la différence entre un paillis de foin et un paillis de paille ?
Claude et Lydia Bourguignon : La paille a un C/N plus élevé, elle produira donc plus d’humus, à poids égal.
Les graines « open source »
Diane, votre sorcière bien-aimée : Que pensez-vous de l’initiative que constitue les graines dites « open source » ; cela vous semble-t-il être un moyen réellement efficace pour lutter contre les multinationales qui s’accaparent la quasi totalité du marché de la création variétale ?
Claude et Lydia Bourguignon : Toutes les méthodes qui permettent de conserver et d’échanger des graines de plantes comestibles non hybride doivent être développées. C’est un devoir de citoyen.
La biodynamie
Diane, votre sorcière bien-aimée : Avez-vous obtenu des résultats scientifiques comparatifs validant ou pas la valeur ajoutée de la mise en pratique de la biodynamie et comment interprétez-vous ces résultats ?
Claude et Lydia Bourguignon : La biodynamie stimule l’activité biologique de profondeur et donc la solubilisation des éléments nutritifs pour les plantes. En dégustation, il y a souvent plus de minéralité et d’expression de terroir dans les vins provenant de vignes cultivées en biodynamie.
Que faire des racines des légumes récoltés
Diane, votre sorcière bien-aimée : Hormis pour la récolte des tubercules et légumes-racines qui nécessitent un bouleversement du sol ; vaut-il mieux couper les légumes au ras du sol en laissant le système racinaire se dégrader dans le sol plutôt que de déraciner les plants ?
Claude et Lydia Bourguignon : Il vaut mieux laisser les racines dans le sol. Avec une grelinette, on ne bouleverse pas beaucoup le sol en récoltant les tubercules.
Votre nouveau livre est sorti !
Diane, votre sorcière bien-aimée : Nous l’attendions avec impatience, votre nouveau livre «Manifeste pour une agriculture durable» est sorti ; pouvez-vous nous en dire plus, à qui s’adresse cet ouvrage et quelle en est sa teneur ?
Claude et Lydia Bourguignon : Il s’adresse aux professionnels comme aux amateurs. Il essaye de définir ce que devrait être notre agriculture pour être durable et non polluante. Il montre la différence qu’il y a entre un sol fertilisé et un sol fertile.
Diane, votre sorcière bien-aimée : Merci beaucoup Lydia et Claude Bourguignon pour la valeur inestimable de votre travail qui est déjà gravé dans l’histoire du monde agricole ; vous êtes ici chez vous et serez toujours les bienvenus sur calendrier-lunaire.info !